Introduction : Qu’est-ce que les plantes de contention et à quoi servent-elles ?
Il est important de comprendre ce que signifie le terme “contention“. Dans sa définition, il désigne “le fait d’enfermer ou de contenir en soi ou de refouler quelque chose ; de retenir une chose en soi ou à l’intérieur de soi”, par exemple “le lit de la rivière a débordé à la suite de fortes pluies, mais il a été contenu avec l’aide de tous”. Il désigne également la répression des passions ou des sentiments humains ; un exemple familier : “Je voulais lui dire ses vérités, mais je me suis contenu”. En psychothérapie, il est utilisé pour désigner “un processus où il y a des situations de réassurance et de stimulation de la confiance chez une personne qui est affectée par une forte crise émotionnelle”. La contention est une condition et une situation qui nous permet d’élaborer et de développer la capacité d’identifier nos propres impulsions, émotions et sentiments, et nous permet de les opposer à notre environnement immédiat et à nos expériences, étant un processus réflexif et conscient. La situation de contention permet d’ordonner et d’organiser les émotions, les sentiments et les pensées afin de pouvoir les exprimer de manière assertive, cohérente et ciblée ; elle permet d’assimiler, d’accommoder et d’intégrer une situation nouvelle, choquante, stressante, douloureuse.
Dans ce processus de contention, la présence d’un Autre (pas nécessairement un psychothérapeute qui assure la contention, mais aussi quelqu’un qui a une attitude d’écoute, par exemple : l’ami qui écoute quand on se sent mal, et qui après avoir parlé – et sans un mot de sa part – se sent mieux), est importante dans le développement de ces limites, et l’apprentissage qui permet d’ordonner et d’organiser le monde intérieur.
Dans le cadre du processus de traitement des addictions au Centre Takiwasi, il est fait appel aux ressources végétales (prise de plantes), notamment à la prise de “Plantes Maîtresses” en “mode de contention” (différent de leur utilisation en diète), qui permettent d’accompagner, d’aider et d’enseigner les usagers dans leurs processus psychologiques et leur réflexion thérapeutique.
Mabit (2001) et Torres (1998), mentionnent que dans la médecine traditionnelle amazonienne :
“[…] Les plantes “enseignent” au patient par la stimulation de la fonction onirique ; l’émergence d’insights, de flashs aux colorants émotionnels puissants ; la facilitation et l’accélération des processus mentaux tels que les processus associatifs, mnésiques, cognitifs. En termes généraux, une plus grande connexion est générée entre l’esprit et les émotions, ce qui permet au sujet de mieux se concentrer”, et que “grâce à leurs propriétés enthéogènes, ils servent également à nous donner une vision introspective de nous-mêmes, et de la vie en général“.
En vertu de ces prémisses, l’utilisation et la prise des plantes maîtresses en contention au Centre Takiwasi permet à l’utilisateur d’avoir un processus collatéral à son processus psychothérapeutique, en prenant les plantes maîtresses les plus proches de ce qu’il a besoin de savoir ou d’apprendre pour se développer sur le plan psychosomatique, affectif, émotionnel, spirituel et axiologique, générant des effets positifs dans ces dimensions et dans leur totalité.
Tout au long de son expérience clinique, le Centre Takiwasi et ses guérisseurs ont appris à connaître les manifestations psychologiques, affectives et spirituelles produites par la prise des plantes maîtresses dans un contexte thérapeutique de retraite-diète, dans le cadre du protocole au sein de l’internat résidentiel et chez les patients ambulatoires qui ont un processus de psychothérapie accompagné par les plantes.
A Takiwasi, en contention les plantes suivantes sont principalement utilisées :
- La Camalonga (Strychnus sp.), graines préparées dans de l’eau macérée avec du colorant, qui rééquilibre le système nerveux, procure calme et tranquillité, augmente l’activité des rêves et régule le sommeil, stimule le désir de travailler, nettoie les imprégnations négatives sur le plan énergétique et spirituel.
- La Mucura (Petiveria alliacea), renforce le système immunitaire, aide à donner de la clarté mentale ; elle est utilisée comme plante protectrice contre la sorcellerie et l’envie, elle est également utilisée dans les bains fleuris. Il peut aider à activer la volonté et l’initiative de faire les changements nécessaires dans la vie, ce qui n’est pas une coïncidence dans les premières semaines du traitement. Nos guérisseurs prescrivent souvent Mucura pour protéger quelqu’un contre des forces maléfiques telles que la sorcellerie et l’envie.
- Le Basilic (Ocimum sp.), rafraîchit et éclaire l’esprit, calme la sur-mentalisation, apaise, pacifie.
- Le Romarin (Salvia rosmarinus), est un tonique cérébral ; il est utilisé pour retrouver la mémoire (corporelle, affective, cognitive et spirituelle) ; il apporte douceur et affection à ceux qui le prennent.
- L’Ajo Sacha (Mansoa standeyi), renforce le système immunitaire, la volonté, l’estime de soi et la capacité de décision ; c’est “la plante de la vocation” car elle aide à discerner ce qui est convenable ou non sur le chemin de la vie. Il a un effet antidépresseur et illumine l’esprit.
- La Bobinzana (Calliandra angustifolia), qui calme, provoque la réflexion, la douceur des sentiments ; il favorise l’enracinement, la flexibilité dans la communication émotionnelle et face aux défis de la vie personnelle, la joie spirituelle et l’ouverture du cœur. Il aide à maintenir la stabilité face aux débordements émotionnels ou psychologiques.
- Le Chiric Sanango (Brunfelsia grandiflora), dans son usage traditionnel, est utilisé contre les rhumatismes, les raideurs articulaires. Il augmente la confiance en soi, élimine les peurs, la froideur physique et émotionnelle, rétablit l’équilibre homme-femme. C’est la plante de l’audace, de la sortie du repli sur soi et de l’ouverture vers l’extérieur, vers les autres, vers son destin. Il offre une flexibilité à tous les niveaux.
- Le Chuchuwasi (Maytenus macrocarpa) est la plante de la force, de la structure ; elle redresse, corrige, enseigne la rectitude et rétablit le centre droit ; elle tonifie, agit sur les problèmes transgénérationnels, purifie les transmissions familiales et les filiations, guérit les problèmes de l’appareil reproducteur (infertilité, impuissance, etc.).
- La Coca (Erythroxylon coca) apporte l’équilibre, stimule la production de rêves, est un tonique, calme les douleurs physiques et émotionnelles, apaise et guérit les blessures. Il permet de se centrer, de s’aligner sur tous les niveaux.
- L’Uchu Sanango (Brunfelsia grandiflora), tonifie, affirme la volonté, enseigne la droiture, à corriger les erreurs et à faire des plans concrets pour l’avenir. C’est une plante de purification par excellence qui aide à éliminer les pensées et les sentiments négatifs, les mauvaises énergies spirituelles.
- L’Ushpawasha Sanango (Rauwolfia sp.), favorise l’expression et la métabolisation des souvenirs d’importance émotionnelle, la catharsis et l’équilibre émotionnel : elle est appelée ” la plante de la mémoire du cœur “.
- Le Palos, est un conglomérat de différentes écorces de plantes médicinales et maîtresses : chuchuwasi (Maytenus macrocarpa), bolaquiro (Potueria Ucuqui), bobinzana (Calliandra angustifolia), quilluhuiqui (Reedhia Acuminata), cocobolo (Schinopsis peruana), came renaco (Ficus ypsilophlebia), acero huasca (Paullinia sp. ), bachufa (Cordia alliodora), tous ensemble donnent structure, force et défense sur le plan physique, mental et spirituel ; ils augmentent la volonté, la confiance en soi et la prise de position dans la vie ; ils donnent de la “force masculine”, donnent de la “verticalité“, de “l’enracinement” et un sens de la vie.
C’est ainsi que la prise de ces plantes maîtresses aide au traitement psychologique, selon le moment et le besoin que l’utilisateur traverse. En outre, un travail énergétique d’intégration du processus s’effectue à un niveau délicat et profond et nécessite un temps de métabolisation. Elle induit un changement structurel permanent. La dimension énergétique et spirituelle n’est pas séparée de l’apport des plantes, il est donc important de prendre en compte les dispositions nécessaires à leur utilisation, comme le “régime”, expliqué ci-dessous.
Sa préparation consiste en l’utilisation de la tige, de l’écorce, des feuilles et/ou des racines, selon l’usage qui en a été traditionnellement donné et découvert par les maîtres des plantes ; il peut s’agir d’une préparation dans l’eau par ébullition sur le feu jusqu’à l’obtention d’un concentré, ou bien d’une préparation “fraîche” des parties de la plante précitées, soit broyées, grattées, moulues, concassées, également incorporées dans l’eau. Il y a des plantes qui peuvent être mélangées pour combiner et renforcer les effets de la même, ou il y a des plantes qui nécessitent l’utilisation exclusive de la plante en confinement pour être prises.
Comment les prendre ? Régime alimentaire et contre-indications.
Brièvement, la “diète” ou “prise de plantes” peut être définie comme “le temps pendant lequel on est soumis à un certain régime alimentaire et à des règles plus ou moins strictes de gestion corporelle, mentale et énergétique” tout en prenant des plantes, qu’elles soient purgatives et/ou maîtresses en contention.
La durée de l’admission des plantes de contention est de 5 à 10 jours. En général, mais selon la plante, on les prend en dose de 250 ml – de manière pratique ou rudimentaire, on utilise un petit verre que l’on remplit à ras bord ; dans le cas de plantes fortes comme Chiric Sanango et Uchu Sanango, de manière empirique, on utilise la mesure de l’index et du majeur, placés ensemble et horizontalement par rapport au petit verre, en les alignant avec la base et en versant la plante de contention jusqu’au bord de l’index.
En général, on prend une dose de la plante de contention le soir pour profiter de l’influence qu’elle exerce sur l’activité onirique. Cependant, il y a des plantes qui, en raison de leur force, de leur énergie et de leurs effets, il est préférable de prendre une dose de la plante de contetion le soir pour profiter de l’influence qu’elle exerce sur l’activité onirique.
Cependant, il existe des plantes qui, en raison de leur force, de leur énergie et de leurs effets, sont à prendre de préférence le matin, afin de ne pas perturber le sommeil et donc le rythme normal de la vie de l’utilisateur.
Pendant la prise de ces plantes de contention, il est nécessaire de respecter des restrictions de soins de base :
- Ne prenez pas de plantes qui n’appartiennent pas à Takiwasi ;
- La consommation de drogues et/ou de substances psychoactives est interdite ;
- Ne pas avoir de relations sexuelles ou tout type de contact érotique ou d’auto-érotisme (masturbation) jusqu’à trois jours après la dernière prise ;
- Pas de consommation d’alcool jusqu’à trois jours après la dernière consommation ;
- Eliminez de votre alimentation toutes les épices et les condiments forts et industriels : moutarde, piment, etc.. ;
- Évitez de consommer des graisses animales et des aliments frits ;
- La consommation de viande de porc et de produits à base de porc est interdite ;
- Évitez les parfums et les produits d’hygiène personnelle et de nettoyage ménager.
Il est important de tenir compte de ces restrictions car, selon les connaissances empiriques de la médecine traditionnelle amazonienne, les esprits des plantes sont “jaloux” et nécessitent une restriction de l’alimentation et du comportement habituel pendant leur prise. Pendant cette période, il existe une relation d’enseignement et d’apprentissage à un niveau subtil et actif, et lorsque ce processus est interféré, il provoque des “erreurs” et des “torsions” dans le régime, que l’on appelle familièrement “cruzaderas“.
Une “cruzadera” est la conséquence d’un dysfonctionnement de la diète – volontaire ou involontaire – et a des effets sur le corps physique se manifestant par des maux de tête, des diarrhées, une désorientation, des étourdissements, des vertiges, des bourdonnements d’oreilles, des douleurs corporelles générales, des difficultés à dormir ou une trop grande lourdeur pour se réveiller et s’activer dans la journée… Sur le plan psycho-affectif, il peut générer de la confusion, de l’anxiété et/ou de la dépression, des pensées obsessionnelles, de l’irritabilité, une colère débordante, parmi de nombreuses autres possibilités. Au niveau énergétique et spirituel des cauchemars, des perturbations dans la perception sensorielle, le siège de mauvaises énergies, des pensées négatives obsessionnelles peuvent se manifester.
Il est important de noter que la “cruzadera” doit être corrigé immédiatement, car s’il est maintenu consciemment ou inconsciemment, les enseignements des plantes maîtresses renforceront les aspects négatifs de l’utilisateur (les aspects “ombre”), augmentant même les aspects que l’on a voulu changer, aggravant leur état, revenant même plus loin que le point de départ.
La correction d’une “cruzadera” – “redresser la diète” – sera faite par un guérisseur, qui est qualifié pour le faire, en utilisant le tabac-érable et l’écorce de cannelle mâchée pour souffler sur certains points énergétiques du corps de l’utilisateur, des bains de plantes et/ou des parfums, le jeûne, la réparation avec la plante de contention que l’utilisateur prenait, ou les indications des moyens que le guérisseur a à sa disposition pour redresser le régime. De cette façon, on s’assure que les enseignements des plantes maîtresses sont adéquats et sains pour l’utilisateur, se manifestant par des effets positifs évidents à moyen et à long terme, tant pour la personne qui prend les plantes de confinement que pour ses réseaux relationnels proches et moins proches.
Conclusion
Un élément qui a caractérisé le Centre Takiwasi comme étant unique dans son travail avec les personnes avec addiction et les toxicomanes est l’incorporation et l’intégration de la médecine traditionnelle amazonienne en conjonction avec la médecine conventionnelle et la psychothérapie occidentale. Tout aussi importants et non moins importants, les processus de retraite/diète qui sont également proposés sont, sinon uniques, du moins pionniers dans la mesure où ils offrent un accompagnement médical et psychologique professionnel aux utilisateurs qui font leur retraite en consommant des plantes maîtresses, contrairement à ce qui se fait traditionnellement depuis des centaines d’années. Ce format d’intégration a également permis au Centre Takiwasi, au fil des années, d’une collection clinique et expérimentale des patients résidents et des pratiquants de diètes, atteignant une reconnaissance de l’effet et de l’impact que les plantes maîtresses ont sur le plan psychologique, affectif, spirituel et transgénérationnel, et qui sont prescrites dans des situations et des cas très spécifiques selon la motivation et le processus de chaque personne. Il convient de noter que la découverte de ces connaissances fines peut être considérée comme un aspect qui n’est pas explicitement ou catégoriquement enregistré dans la tradition écrite ou orale, car les anciens étaient davantage axés sur le bien-être physique et les situations pratiques, selon leur matrice culturelle.
La prise de plantes maîtresses en contention est un processus très efficace s’il est bien fait et laisse un changement structurel pérenne. Elle est inutile, voire dangereuse, si elle n’est pas faite correctement ou si les règles ne sont pas respectées (dosage, régime, soins…). Il permet d’avoir un “pool” d’assistants psychothérapeutiques spécifiques pour un travail de réhabilitation simultanément sur le plan physique, psycho-émotionnel et spirituel… les contenus manifestés (les expériences d’isolement dans la réserve botanique, les rêves, les souvenirs, les deuils et les blessures) se manifestent avec une grande lucidité et sont hautement significatifs dans le processus de traitement des dépendances et du développement humain.
Comme le mentionne Torres (1998) :
“Il s’agit de fournir un accompagnement, de telle sorte que la personne elle-même arrive progressivement à se comprendre et à s’assumer. Il ne s’agit pas de guérir le patient sur la base de notre formation et de nos schémas mentaux – les projections – comme nous l’observons dans la psychothérapie conventionnelle, mais de faire en sorte que le patient lui-même découvre avec l’aide des Plantes Maîtresses son propre Maître intérieur. Peut-être qu’à partir d’une vision régionalo-indigène de la plante maîtresse, nous pouvons mettre en évidence la fonction psychothérapeutique de la plante en tant qu’amplificateur et stimulant du pouvoir auto-médicateur du Maître intérieur, de la conscience profonde qui va au-delà de la conscience néo-corticale“.
La diète à Takiwasi :
Références consultées
Giove, R. (2010). “La liane de los Muertos al Rescate de la Vida”. La médecine traditionnelle amazonienne dans le traitement de la toxicomanie. DEVIDA. Tarapoto, Pérou.
Mabit, J. (2001). “Uso ritualizado de plantas psicoactivas de la Amazonía en el tratamiento de toxicómanos : 7 años de experiencias en el Centro Takiwasi” (Utilisation ritualisée des plantes psychoactives de l’Amazonie dans le traitement des toxicomanes : 7 ans d’expérience au Centre Takiwasi). Conférence donnée à la conférence scientifique internationale de l’ISAM “Addictions 2000+1, Challenges and Opportunities for a new Millenium”, Société internationale de médecine de la toxicomanie (ISAM), Israël, septembre 2001. 8p. Lien : https://www.takiwasi.com/docs/arti_esp/Usoritualizadodeplantaspsicoactivas.pdf
Torres, J. (1998). À propos de la plante maîtresse : véhicule d’introspection, p. 58-62. Dans : Memorias del Segundo Foro Internacional Sobre Espiritualidad Indígena, Tarapoto, Perú. Lien : https://takiwasi.com/es/plantas-maestras.php