Une découverte de Christophe Colomb
L’histoire du tabac commence en 1492 quand Christophe Colomb débarque sur l’ile d’Hispaniola, ou se trouve à la fois Haïti et Saint Domingue, et où l’on voit Cuba.
Les compagnons de Christophe Colomb y observent des hommes bruns et à moitié nus souffler dans des brandons dont l’extrémité allumée émet de la fumée. « Une chose venue des enfers », disent-ils à propos de cette offrande à caractère sacrée, octroyée en signe de bienvenue. A l’époque, la notion d’enfer est très présente dans les mentalités, et l’on ne connait pas l’acte de fumer. Des marins hardis et curieux y goutent, et le tabac est rapporté en Europe.
En France la reine Marie de Médicis souffre de migraines. L’aspiration de tabac lui fait grand bien, et ainsi elle en autorise l’usage. Si chaque pays d’Europe connaît une histoire singulière avec la diffusion du tabac, celui-ci fait le tour du monde en seulement un siècle. Mais depuis toujours il est utilisé très largement à des fins thérapeutiques par les guérisseurs dans tout le bassin amazonien, principalement au Pérou, au Brésil, en Equateur et en Colombie.
Le Tabac et ses propriétés énergétiques.
Le Tabac médicinal brun, organique été non traité (nicotiana rustica) est intéressant pour ses propriétés énergétiques. Il n’a rien de commun avec le tabac blond de Virginie, dont est issue la plupart des cigarettes que l’on trouve en Occident, et dans lequel ont été ajoutés des agents de texture et des conservateurs, sans aucun intérêt sur le plan thérapeutique.
Dans la médecine traditionnelle amazonienne, chaque espèce de plante est animée d’un esprit générique. Le tabac, considéré comme un esprit puissant, se trouve en tête de liste de la hiérarchie des plantes médicinales.
Ses fonctions sont multiples : il nettoie et clarifie le mental, ainsi que les champs affectifs et émotionnels, renforce l’esprit de décision, « verticalise » l’être, incite au courage et à la droiture. Il donne de la force, de la volonté, et du discernement. Le Tabac recentre et restructure en profondeur, renforce et protège le corps énergétique des mauvaises énergies, des infestations, de la sorcellerie. Son action touche le physique, le psychique et le spirituel. Il favorise la concentration et développe une acuité mentale. Son ingestion donne de la chaleur. Toxique à haute dose, il peut fragiliser le cœur ; son emploi demande beaucoup de précaution.
L’utilisation thérapeutique du Tabac
Dans la tradition amazonienne, celui ou celle qui soigne avec la médecine du tabac se nomme Tabaquero (a). Cela demande une aptitude particulière et de longues années d’apprentissage, afin de pouvoir métaboliser le Tabac, le contenir et le maîtriser dans son corps. Cette initiation s’effectue traditionnellement par une transmission de Maestro(a) à disciple : on ne s’improvise pas Tabaquero(a). Son utilisation thérapeutique s’effectue sous trois formes : solide, pour être maché ou inhalé ; liquide, pour être utilisé en décoction ou infusion, ou encore aérienne, c’est-à-dire correspondant à sa forme fumée. La fumée projetée permet un transfert énergétique, véhicule d’informations entre le corps médecine du guérisseur et le corprs du patient. La transmission ne se fait pas par le verbe mais directement par le corps, paradigme quelque peu déroutant à intégrer pour les Occidentaux.
La fumée de Tabac permet également au Tabaquero d’être un médiateur entre la terre et le ciel, permettant de capter et de recevoir des informations du monde sensible ou spirituel. Le tabac s’utilise également en bains avec d’autres plantes ainsi qu’en massage avec des feuilles brutes séchées, hachées et mélangées avec des parfums ou des essences florales.
En Occident, nous avons essentiellement une relation au tabac fumé, correspondant au besoin de trouver une force masculine authentique et une inspiration spirituelle. Le syndrome de la dépendance au Tabac reflète un profond problème de société : faiblesse de l’archétype paternel et masculin, entrainant un risque de soumission, de désagrégation, d’uniformisation et de renferment – ainsi est-il perçu par les guérisseurs amazoniens qui précisent que cette dépendance provient de l’usage excessif du Tabac fumé non équilibré par l’absorption de la forme liquide, le jus de tabac.
Une médecine de l’être, en réponse à notre mal-être
La Maison qui Chante, association d’investigation sur les médecines traditionnelles amazonniennes basées à Lyon, a organisé en 2010 un congrès intitulé « Tabac plante d’enseignement et de guérison ». Deux jours entiers ont été consacrés à la plante de Tabac croisant pratiques médicinales amazoniennes et usages occidentaux.
Nous avons fait intervenir Robert Molimard, professeur agrégé de médecine et fondateur des premières consultations françaises de tabacologie, dont le concept lui revient. Au cours d’une passionnante conférence, il a montré combien au-delà des effets biologiques de la fumée de tabac sur le cerveau, non présents dans les autres formes d’usage du Tabac maché ou bu, la nicotine agissait non pas comme une substance addictive, dont on ne pourrait s’en passer, mais comme un graveur d’informations mentales. En quelque sorte l’addiction proviendrait du désir de retrouver les émois (plaisirs, affects) vécus et gravés dans le circuit mémoriel au moment des débuts de l’absorption de nicotine. L’addiction peut persister même avec un Tabac dénicotinisé. Pour se libérer alors de son emprise, il faudrait accèdera aux souvenirs et désirs activés et compensés au moment des premières prises de nicotine.
Son action est très différente de celle des drogues ou de l’alcool, dont les effets addictifs se font directement, par le biais des substances qu’ils contiennent, à travers les circuits neuronaux dits de récompense.
Le Tabac bu et ingéré dans les conditions adéquates ne génère aucune dépendance : pris en décoction, il va même désintoxiquer du Tabac fumé. Nous sommes ici à contre-courant total de l’usage occidental du Tabac fumé récréatif, qui génère dépendance et toxicité, dues entre autres à une absence totale de cadre initiatique et de protocole, ainsi qu’à une mauvaise qualité du Tabac consommé.
Sous forme purgative, le Tabac s’emploie dilué dans un volume d’eau tiède dont l’ingestion entraîne un processus vomitif. Cette pratique agit à différents niveaux. Sur le plan physique, la purge de tabac permet un nettoyage de l’estomac ainsi que l’évacuation de la fatigue. Sur le plan psycho-affectif, elle permet de se débarrasser d’énergies gardées dans les mémoires du corps, liées à des sentiments négatifs tels que la colère, la tristesse, etc. Intégré sous forme liquide, le Tabac peut avoir des effets visionnaires en stimulant fortement le processus intuitif : il relie fortement au monde onirique.
La purge de Tabac se révèle un outil pertinent pour les Occidentaux à l’hyperactivité mentale qu’elle fait rapidement cesser. Cette pratique permet une reconnexion rapide à la densité de la présence corporelle, aide à combattre le stress et la dépression.
A long terme, elle peut nous aider dans notre processus d’individuation et d’intégration de notre identité physique, psychique et spirituelle. Cette recherche authentique dans le temps se déroule avec patience et constance ; cet outil nous aide à prendre conscience de la profondeur et de la sacralité de l’existence.
La médecine du Tabac peut apporter bien des réponses à notre mal-être dans une monde matériel essentiellement basé sur l’avoir, la consommation et la dépendance : c’est une médecine holistique, une médecine de l’être.
L’Occident saura-t-il saisir cette opportunité pour entrer en lien avec cette médecine ?
Pour en savoir plus :
Association La Maison qui Chante, Lyon
Purge/diètes traditionnelles de Tabac
Contacts : ghislaine.bourgogne@wanadoo.fr – Francois.delonnay@gmail.com